Une bonne partie de notre éducation est consacrée (en principe) au respect des règles. Apparaît très tôt dans ce domaine la notion centrale de « faute ».
On se souvient longtemps des fautes que l’on a commises dans notre jeunesse et surtout des réprimandes qu’elles nous ont values. Elles ont parfois laissé en nous de profondes blessures ou même provoqué de véritables traumatismes, avec dans certains cas comme conséquence durable une sensibilité à fleur de peau face au moindre reproche.
Et il n’est pas rare de constater chez des personnes pourtant d’âge mûr, diplômées et expérimentées, de sérieux blocages et même des états de panique totale quand elles sont prises en défaut, notamment dans le milieu professionnel. Pendant un instant elles redeviennent des petits enfants sans défense devant l’autorité parentale.
Ces réactions exacerbées peuvent engendrer de grandes souffrances et de nombreux troubles relationnels. Dans les cas extrêmes il est d’ailleurs souhaitable de suivre une thérapie pour résorber ces séquelles du passé. Mais ce n’est pas l’objectif de notre propos. Nous voulons examiner ici un des mécanismes de défense utilisés assez souvent par les personnes incriminées pour échapper à la sanction (morale voire même pénale).
Il s’agit d’une série d’affirmations qui s’emboîtent l’une sur l’autre de la façon suivante :
« C’est pas vrai, c’est pas moi, c’est pas grave, je ne suis pas le seul »
C’est pas vrai
Le problème est nié d’emblée. Et puisqu’il n’existe pas « Je ne peux pas en être responsable ». Des efforts considérables peuvent être déployés pour masquer la vérité. Et si les faits sont vraiment trop flagrants on monte d’un cran avec l’affirmation suivante.
C’est pas moi
« Oui c’est vrai mais c’est pas moi, je n’y suis pour rien, c’est quelqu’un d’autre ». Et d’énoncer toutes les explications possibles comme « Je n’étais pas là » (alibi), « Je n’étais même pas au courant », « On ne m’a pas dit », « C’est lui qui », etc.. Si la responsabilité est trop évidente, on gravit un autre échelon.
C’est pas grave
« Oui, c’est arrivé et j’en suis responsable mais ce n’est pas grave ». Atténuer la portée de la faute est encore un bon moyen d’échapper à la sanction. « Il n’y a pas de quoi en faire un fromage quand même ! ». Autrement dit, laissons tomber et passons à autre chose !
Et là encore s’il est impossible de minimiser la gravité des faits, il reste une autre étape à franchir.
Je ne suis pas le seul
« C’est vrai, c’est moi et c’est grave mais d’autres le font également ». Il s’agit d’une technique très connue qui consiste à excuser ses erreurs par les erreurs des autres. Au final plus personne n’est blanc, tout le monde devient gris. Certains médias utilisent ce moyen quand ils veulent dédouaner quelqu’un. Il leur suffit de noyer les faits sous une multitude d’évènements du même ordre, quitte à remonter parfois très loin dans le temps. Les archives sont là pour ça. C’est une variation de la maxime de Talleyrand, « Quand je m’observe, je m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure ». En l’occurrence c’est comparer pour mieux excuser.
Bien sûr cette succession d’étapes n’est pas figée. On peut directement commencer par « c’est pas moi » ou « c’est pas grave » en fonction des circonstances.
Nous avons tous rencontré ces mécanismes de défense chez les autres et, avouons-le, nous les avons sans doute parfois utilisés nous-mêmes. Ceci dit, certaines personnes adoptent ce comportement de façon systématique, elles ont une telle angoisse d’être prises en défaut qu’elles chercheront toujours à fuir leur responsabilité. Et puisque dans leur esprit elles sont incapables de commettre la moindre faute, appelons-les « Zéro Faute ».
Comment gérer les « Zéro Faute » ?
Vivre ou travailler avec un authentique « Zéro faute » n’est pas une sinécure. En général leur entourage finit par renoncer à faire la moindre critique pour éviter les conflits à répétition. On se justifiera par un « Tu sais bien qu’on ne peut rien lui dire ! ». Et on laissera ces personnalités s’enfermer dans un superbe isolement moral, à l’abri de tout reproche.
Ce n’est évidemment pas une solution viable. Mais alors que peut-on faire face à un tel comportement de fuite ?
La connaissance de ce mécanisme à étages peut déjà nous servir dans la mesure où elle atténue l’effet de surprise et nous permet d’anticiper les arguments de notre interlocuteur.
De plus nous saurons peut-être mieux contrôler nos propres émotions et éviter de nous mettre en colère face à une démonstration de mauvaise foi évidente. Et en l’occurrence la moindre agressivité de notre part ne peut qu’aggraver la situation, comme nous allons le voir.
Utiliser l’Analyse Transactionnelle
Pour trouver une solution à notre problème, nous pouvons nous tourner vers l’Analyse transactionnelle. Et pour commencer, rappelons-en brièvement certains principes.
Selon l’Analyse transactionnelle notre personnalité est composée en gros de trois états qu'on appelle « les états du moi », ce sont les états Parent, Adulte et Enfant. Au fil d’une conversation nous pouvons occuper chacun d’entre eux, et ce, quel que soit notre âge ou notre situation de famille. Par exemple, un enfant peut se trouver dans l’état Parent aussi bien qu’une personne d’âge mûr.
L’état Parent
L’état Parent correspond à tout ce qui est de l'ordre de l'appris : les valeurs, les normes, les principes, les règles. Nous sommes dans cet état dès que nous rappelons les règles à respecter, quand nous jugeons les actes des autres, accordons des récompenses, des permissions ou quand nous sanctionnons les fautes commises.
L’état Adulte
L’état Adulte correspond à tout ce qui est de l'ordre du réfléchi, ce qui permet de faire la part des choses : la logique, la recherche d'information, la prévision, l’évaluation. C’est un état neutre, on ne juge pas, on cherche simplement à comprendre et à résoudre des situations. Dans cet état on va recueillir des informations, on va négocier calmement avec l'autre.
L’état Enfant
L’état Enfant correspond à tout ce qui est de l'ordre du ressenti : l’énergie vitale, les émotions, l'affectif, les envies, la créativité, l'expression du ressenti. Quand vous faites une blague, c'est votre état Enfant qui s'exprime. On ne se freine pas, on laisse ses pulsions créatrices s'exprimer. On peut se rebeller contre les règles. On veut donner libre cours à ses envies.
Durant chaque échange, les différents protagonistes occupent successivement un ou plusieurs états sans que ce soit forcément le même pour chacun d’eux. Je peux être dans l’état Parent et vous dans l’état Adulte etc…
Pour en savoir plus, je vous invite à lire mon article L'Analyse Transactionnelle et à consulter la nombreuse documentation disponible sur cette discipline.
Analyse de l’échange avec un « Zéro Faute »
Prenons l’échange dès le départ. En toute logique « Zéro Faute » a fait quelque chose de répréhensible. C’est nous qui venons à sa rencontre pour le lui dire. Tout va dépendre de notre attitude initiale. Si nous sommes en colère, nous allons forcément commencé la discussion dans l’état Parent. Par exemple par un « Pourquoi tu as fait ça ? ! » prononcé sur un ton de reproche, ou par un « Qui a fait ça ? ! » avec un regard qui ne laisse pas de doute sur l’identité de l’auteur de la faute. Au passage n’oublions pas l’importance du langage non verbal, c’est-à-dire l’attitude, le ton, l’expression des yeux, la gestuelle, surtout dans les moments de tension.
Cette introduction aura pour effet de faire passer automatiquement « Zéro faute » dans l’état Enfant. Il se sentira agressé et nous apparaîtrons à ses yeux comme le parent qui rappelle les règles et va lui infliger une sanction. Il se mettra donc à réciter les quatre affirmations décrites plus haut, l’une à la suite de l’autre en fonction de ce nous allons lui rétorquer. Autrement dit, nous aurons beaucoup de mal à revenir à un débat plus serein.
Pour éviter ce blocage, nous avons tout intérêt à démarrer l’entretien dans l’état Adulte en adoptant l’attitude la plus neutre possible et en nous limitant à poser des questions simples tout en évitant les paroles dures et le ton de reproche. Nous voulons seulement savoir ce qui est arrivé et nous interrogeons par conséquent « Zéro Faute » au même titre que les autres personnes présentes.
Cette approche va nous permettre de calmer le jeu et aura comme effet probable d’amener « Zéro Faute » à répondre lui aussi dans son état Adulte. A nous de l’y maintenir le plus longtemps possible pour prolonger ce débat neutre et dépassionné. Il devrait en général y rester tant qu’il ne se sentira pas frontalement mis en cause.
Et si nous profitons de ce répit pour faire en sorte que la raison l’emporte sur les émotions nous parviendrons peut-être à éviter que l’affaire ne tourne mal, l’idée étant d’offrir une porte de sortie honorable à notre « Zéro Faute ». Dans d’autres cas nous n’aurons fait que retarder la crise. Cela dépendra de la stratégie adoptée. L’exercice est très subtil et se fera parfois sur le fil du rasoir. Il est évident que tous les cas sont différents car ils font entrer en ligne de compte une multitude de paramètres.
Comme nous l’avons dit, le mécanisme que nous venons d’étudier n’est pas le seul à être mis en œuvre dans ce type de débat, mais il est assez fréquent.
Adopter la meilleure stratégie
Si vous êtes confrontés à des problèmes relationnels de ce genre n’hésitez pas à m’en parler. Nous analyserons à froid les situations conflictuelles que vous avez vécues et nous mettrons au point une stratégie efficace pour les résoudre dans l’avenir.
Silvain Rossini
Bilan et projet de vie